– Entretien avec Yves Alpe-
Yves Alpe est professeur émérite de sciences de l’éducation à l’Université Aix-Marseille, cofondateur de l’Observatoire Éducation et Territoire. Il a été chargé de plusieurs missions sur les systèmes éducatifs en milieu rural, pour la DATAR de 1986 à 1989, pour le Rectorat d’Aix Marseille de 1989 à 1991, et pour la Banque Mondiale en 2001-2002.
Nous vous proposons ici une retranscription d’un entretien téléphonique qui devrait donné lieu par la suite à une série de chronique sur l’école en milieu rural.
Pourquoi avoir créé l’Observatoire de l’École Rurale (aujourd’hui Observatoire Éducation et Territoire) ?
Nous étions plusieurs Chercheurs et formateurs exerçant des fonctions de direction dans 4 IUFM (Aix-Marseille, Franche-Comté, Grenoble et Lyon) dans lesquels la plupart des enseignants qui passaient se retrouvaient en poste en école rurale. Avec notre réseau d’IUFM, nous nous sommes rendu compte que nous manquions de résultats scientifiques avérés sur ce qu’était la réalité de l’école rurale et surtout des parcours scolaires des élèves ruraux. On naviguait dans un domaine où il y avait beaucoup de stéréotypes et de représentations sociales qui ne permettaient pas vraiment d’aller très loin dans l’analyse. Ce qui nous a conduit au départ à créer l’observatoire de l’école rurale. Nous avions deux objectifs : former mieux les enseignants qui allaient se retrouver en zone rurale tout en permettant un travail de Recherche qui puisse nous apporter quelques réponses aux questions que nous nous posions.
En 1997, nous avons donc lancé une première série d’enquêtes. Nous souhaitions analyser, à partir d’échantillons ciblés, le suivi des élèves en fonction de leurs origines géographiques. Nous avons mis en place des suivis de cohorte (ce qui se fait assez rarement car cela demande du temps). Nous avons pris des élèves en CM2 que nous avons suivi au collège et au lycée. Et donc nous avons accumulé un grand nombre de données concernant les élèves et leurs parents. Notre base compte aujourd’hui quelques 18 000 questionnaires.
Ces enquêtes ont été complétées par des enquêtes à l’étranger (Italie, Portugal, Amérique du sud). Nous avons continué ce travail jusqu’en 2006 à peu près. Aujourd’hui nous continuons le suivi de cohorte seulement en Ardèche et dans la Drôme. Les premières questions de cette enquête qui a duré 10 ans portaient sur les résultats scolaires des élèves : est-ce que les élèves ruraux étaient de bons élèves ou de mauvais élèves, et par conséquent, est-ce que les écoles rurales étaient de bonnes ou de mauvaises écoles. Puis nous avons cherché à comprendre comment ces élèves voyaient leur carrière, leur avenir professionnel. Ce qui nous a amené à aborder la question de l’estime de soi et à nous interroger sur la notion de déficit d’ambition.
Ainsi, pour résumer 15 ans de travail nous pouvons dire qu’à origine sociale identique, les élèves ruraux sont globalement meilleurs que les élèves urbains. Il y a moins d’échec, moins de retard etc.… par contre lorsqu’on retrouve ces élèves en seconde, ils ont des ambitions scolaires qui sont en décalage avec ce qu’elles devraient être en fonction de leur parcours scolaire.
Comment peut-on expliquer que certains enseignants (mais également certains parents) dans les écoles en milieu rural aient encore le sentiment que leurs élèves réussissent moins bien scolairement ? Que l’école rurale serait moins performante ?
Il faut distinguer le premier et le second degré. En la matière il y a beaucoup de choses qui se jouent dans le passage de l’école au collège. Et il est vrai que la réalité que l’on observe dans les collèges ruraux n’a pas grand chose à voir avec ce que l’on observe dans les écoles rurales. Il y a une partie significative des avantages de l’école rurale qui disparaissent au niveau du collège pour des raisons qui tiennent à la structure des établissements, pour des raisons qui tiennent à la nature même des équipes éducatives. Donc il faut très clairement distinguer les deux. Car une carrière scolaire ça se construit sur la durée et en fonction des étapes successives nous avons des constats qui peuvent varier considérablement d’une période à l’autre.
La deuxième chose c’est que l’École rurale est l’objet de représentations depuis très longtemps. Nous avons remonté la piste de ces questionnements à travers les écrits notamment institutionnels sur plus d’un siècle et on s’aperçoit que ce qu’on entend aujourd’hui sur les écoles rurales dans certains milieux et en particulier dans des milieux académiques, on l’entendait déjà en 1910, on le trouvait déjà dans le dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson. Il y a donc une très vieille représentation de la construction sociale des écoles rurales qui emprunte très largement aux stéréotypes sur le milieu rural en général.
Une des questions qui ressortait de la recherche était de savoir s’il fallait porter l’attention sur les élèves, sur l’école ou sur le territoire. Évidemment la réponse c’est sur les trois. L’école rurale est une école qui propose un certain nombre de points positifs comme par exemple la petite taille des effectifs, la proximité sociale entre les enseignants et les parents, la mise en place de méthodes pédagogiques spécifiques en particulier dans les classes à plusieurs cours. L’école rurale permet également une relation étroite avec son lieu d’implantation ce qui veut dire avec la population du village, les élus locaux mais également avec son patrimoine naturel et culturel.
Ce sont des avantages qui sont listés depuis longtemps mais qui sont mis en concurrence avec une série d’inconvénients qui tiennent d’ailleurs très souvent à ces mêmes avantages. Par exemple la petite taille peut être interprétée comme un suivi très positif des élèves par l’enseignant mais aussi comme un facteur négatif en pointant une moindre émulation qui favoriserait le repli sur soi. De même cette petite taille est fortement liée que ce soit vrai ou non d’ailleurs, à l’idée que ce qui caractérise le milieu rural et donc l’école, ce sont l’éloignement et l’isolement. Mais il faut savoir ce que l’on met derrière ce mot car parler de l’isolement des écoles rurales quand on parle des écoles de montagne de 1950 c’est une chose mais parler de l’isolement des écoles rurales à l’heure d’internet et des réseaux sociaux c’en est une autre. Ce stéréotype pèse très fortement sur les représentations sociales autour de l’école que ce soit celles des élèves, de leurs parents et des enseignants. Et on trouve en permanence cette dichotomie entre les bons et les mauvais aspects de l’école en milieu rural : la bonne école rurale c’est celle qui protège, qui est empathique, qui prend soin des élèves mais inversement c’est aussi celle qui est située dans un milieu ou les ressources sont faibles, la diversité sociale moindre.
« …si on pouvait constater un effet de territoire négatif sur l’ambition des élèves dans les années 90, cet effet là a quasiment disparu dans les dernières enquêtes qui se sont déroulées entre 2006 et 2012. Aujourd’hui, les métiers souhaités par les élèves ruraux sont très proches de ceux choisis par les élèves urbains.«
Comment ces stéréotypes influencent le parcours des élèves ?
Ils génèrent chez les élèves une partie de ce fameux déficit d’ambition. Ces représentations d’élèves qui n’auraient pas connaissance de la diversité des métiers qui existent en milieu urbain, ou qui auraient des réticences à quitter leurs villages pour se lancer dans la grande ville ne sont pas encore suffisamment étayées scientifiquement. Nous devons en permanence nous interroger sur la manière dont ces représentations sociales se transmettent, se construisent ou se déconstruisent. Un des principaux constats que nous avons fait en comparant les enquêtes de 1997 avec le premier suivi de cohorte et le deuxième suivi qui a été fait en milieu des années 2000, c’est que le déficit d’ambition ou ces effets supposées de l’isolement, ont considérablement diminué.
Et comme l’ont dit certains de mes collègues chercheurs, si on pouvait constater un effet de territoire négatif sur l’ambition des élèves dans les années 90, cet effet là a quasiment disparu dans les dernières enquêtes qui se sont déroulées entre 2006 et 2012. Aujourd’hui, les métiers souhaités par les élèves ruraux sont très proches de ceux choisis par les élèves urbains.
Comment définir la population en milieu rural ?
La structure sociale des élèves de l’école rurale n’est pas celle des élèves urbains. Ce ne sont pas les mêmes Professions et Catégories Sociales qui sont représentées, ce ne sont pas les mêmes niveaux socioculturels. Dans nos enquêtes nous avons pris soin systématiquement d’interroger les parents sur leurs PCS, leur niveau d’étude ou de diplômes. On s’aperçoit que la population rurale que nous avons interrogée que ce soit dans les années 90 ou dans les années 2000, ce sont des populations qui sont en moyenne plus modestes, avec des niveaux de diplôme plus faibles même s’il existe une très grande hétérogénéité des situations. Entre le rural isolé (la Lozère par exemple) comme disent les géographes, et le rural du Haut Var en Provence, il y a évidemment des différences. Il y a trente ans il y avait une forte homogénéité socioculturelle du milieu rural. Or l’arrivée de nouveaux types de populations plus aisées, transforme cette démographie.
Il y a donc des réalités différentes. On peut distinguer trois types au moins de milieux ruraux : le rural des bourg-centre, le rural péri-urbain et le rural isolé que certains géographes ont nommé rural profond (avec tout ce que cet adjectif peut apporter de représentations)
Mais globalement, la population rurale est socialement, professionnellement et culturellement plus modeste que la population urbaine si on ne prend pas en compte certains quartiers très populaires des périphéries évidemment ! Pourtant, si on pondère les résultats scolaires des élèves en fonction de l’origine sociale, on peut affirmer que globalement les élèves ruraux réussissent plutôt mieux que les élèves urbains du moins jusqu’au collège.
Le corps enseignant a également beaucoup changé. D’abord en raison de la réforme de la formation : on est passé de l’ancien système des écoles normales qui avait quand même un siècle et demi d’existence, à des nouveaux systèmes de formation dits universitaires : les IUFM, les ESPE puis les ISPE. Les enseignants qui se trouvaient projeter dans le milieu rural après 2 années de formation après le bac, le sont aujourd’hui après cinq années. En même temps la population des enseignants s’est aussi urbanisée. En effet la part des enseignants d’origine rurale dans le corps des professeurs des écoles, s’est considérablement réduite. Ça a donc produit une sorte de rupture culturelle supplémentaire. Dans les enquêtes que nous avons faite sur l’affectation des enseignants il apparaît que dans les petites écoles normales des départements ruraux et peu peuplés il y a trente ans, l’affectation rurale faisait partie des choses normales et inévitables dans la carrière. On allait d’abord dans les écoles rurales et ensuite, si on le souhaitait on pouvait rejoindre des écoles urbaines au fur et à mesure de la carrière. Mais une grande partie de ces enseignants étaient affectés dans le milieu rural à leurs demandes. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Il y en a encore qui demandent le milieu rural mais c’est une toute petite minorité. Pour caricaturer on est passé d’un enseignant d’origine rurale qui ne quittait le milieu rural que sur la période des études en école normale de la ville-centre. Ces gens n’étaient jamais allés à l’université, ils étaient formés par des gens qui n’y étaient jamais allés non plus sinon au tout début de leur formation. Et on a aujourd’hui des gens qui sont tous passés par l’université, qui ont dû passer des master (et pour quelques-uns le choix du métier l’a été par défaut). Donc la représentation qu’ils ont de leurs élèves ruraux est différente de celle qu’avaient leurs aînés.
« Le collège partage un certain nombre de caractéristiques avec les écoles rurales sauf que tout ce qui pouvait être perçu comme un avantage de l’école rurale disparaît au collège. Par exemple les caractéristiques de la classe à plusieurs cours qui sont maintenant reconnues comme des éléments essentiels de la réduction des inégalités scolaires, ça n’existe pas au collège. »
Vous différenciez les écoles et les collèges ? Qu’est ce qui change à l’arrivée dans le secondaire.
Le collège partage un certain nombre de caractéristiques avec les écoles rurales sauf que tout ce qui pouvait être perçu comme un avantage de l’école rurale disparaît au collège. Par exemple les caractéristiques de la classe à plusieurs cours qui sont maintenant reconnues comme des éléments essentiels de la réduction des inégalités scolaires, ça n’existe pas au collège. Tout le fonctionnement spécifique de l’école rurale qui est un fonctionnement très riche avec une quantité d’expériences, de traditions, tout cela disparaît dans le carcan de la structure : une heure, une matière et un enseignant. Donc des élèves qui se trouvaient dans des petites écoles, perdent en passant au petit collège ces avantages qu’ils avaient dans leurs petites écoles. Ils se retrouvent avec des enseignants qui sont généralement les moins diplômés de France, le pourcentage d’enseignants titulaires est plus faible qu’en milieu urbain. De même lorsqu’un petit établissement ne peut pas assurer un temps plein à un enseignant, ce dernier se partage entre plusieurs structures. Ce sont aussi souvent des enseignants très mobiles qui aspirent souvent à rejoindre une plus grande structure en centre-ville. Donc ils sont peu intégrés à leur milieu de travail. Beaucoup d’enseignants ne résident pas en milieu rural avec tous les problèmes que ça pose en termes de déplacement, d’assiduité, de ponctualité par exemple.
J’ai fait une étude sur les cinq collèges de cent élèves de mon département. Si on regarde le taux de redoublement de ces élèves lorsqu’ils arrivent en seconde, il est deux fois et demi supérieur à celui des collèges de plus de cinq cents élèves.
Mais là encore il y a beaucoup d’hétérogénéité. Dans les collèges ruraux on trouve aussi des collèges soutenus à bout de bras par les collectivités territoriales. Pour un conseil départemental, son principal objectif pédagogique c’est de ne pas fermer le collège. L’idée de soutenir les petits collèges ruraux se défend mais cela peut s’avérer compliquer pédagogiquement.
Il y a malgré tout en milieu rural des petits collèges dynamiques et innovant, des collèges expérimentaux. Donc cette hétérogénéité elle est à prendre en compte.
Et en termes de résultats scolaires ?
La seule chose que l’on puisse mesurer de façon relativement fiable au collège c’est le parcours : À quel âge ils entrent au collège et à quel âge ils en sortent.
Puis nous pouvons regarder ce qu’il se passe lors du passage au lycée : quelles sont les demandes des élèves, quelles sont celles des parents, quelle est la réponse du corps enseignant à ces demandes. Si vous comparez les demandes d’entrée en seconde pro et celles en seconde LGT, il y a un gap tout à fait significatif entre les petits collèges ruraux et les élèves des grands collèges quel que soit le niveau scolaire que l’on puisse anticiper ou subodorer de ces élèves ! Les données que nous avons à l’heure actuelle c’est ce que les élèves demandent et ce que les conseils de classe répondent. Et là on s’aperçoit clairement que les élèves ruraux sont plus orientés vers l’enseignement professionnel court que ce que leur niveau scolaire pourrait a priori laisser penser. Les conseils de classe surenchérissent sur cette différence c’est-à-dire qu’on est beaucoup plus sévère pour un élève rural que pour un élève urbain quand il demande une filière générale. De même, on s’aperçoit en analysant les taux de redoublement en seconde et les taux d’accès en première S (les études ne prennent pas encore en compte les nouvelles filières), que les élèves ruraux obtiennent moins souvent gain de cause.
À partir de vos recherches, qu’est-ce qu’il vous semble important de mettre en avant, ou en tous cas de renforcer dans des projets au niveau des collèges ruraux ?
Il y a maintenant 24 ans que nous avons commencé à travailler ces questions et donc nous avons un certain recul. Quelques éléments forts se dégagent.
Le premier point c’est celui qui concerne la dynamique d’équipe à l’intérieur du collège. Ça ne fait aucun doute. Tous les collèges qui fonctionnent bien sont les collèges où il y a une équipe éducative au sens fort et propre du terme. C’est sans doute beaucoup plus important que d’avoir le choix entre 6 langues vivantes ou de pouvoir participer à tel ou tel atelier. Il y a un effet établissement très fort dans les petits collèges ruraux, qui est évidemment influencé par le contexte socio culturel mais qui est surtout lié à cette question de la dynamique éducative. Quand on parle d’équipe ça veut dire des enseignants capables de travailler ensemble. Mais c’est aussi la relation de confiance entre le pédagogique, l’administratif, la vie scolaire. Malheureusement ce n’est pas une réalité si courante que ça. Pourtant quand cette dynamique existe, nous avons des élèves plus confiants et plus ambitieux.
Le deuxième point concerne l’ouverture sur l’extérieur. Les projets qui ne sont pas strictement scolaires sont essentiels. Les collèges qui fonctionnent bien travaillent en lien avec l’extérieur. Ça peut être le territoire culturel proche mais également l’ouverture à l’international.
Une équipe, des projets et une ouverture sont vraiment les points essentiels quelle que soit la réalité par ailleurs. Le problème c’est que tout ça ne se décrète pas. On ne fait pas travailler les enseignants en équipe en leur disant « vous avez une heure de concertation pédagogique dans la semaine ».
J’ajouterais un point par rapport à la formation continue. Si on imagine que l’on va inciter les enseignants à travailler en équipe en les formant au travail d’équipe, soit c’est de la naïveté, soit c’est de la perversité ! En effet, former au travail d’équipe, ça marche quand il y a des équipes ! Si l’équipe existe, alors on peut lui apporter des éléments, des outils, de la formation sur des points précis.
C’est très important mais très difficile d’arriver à identifier ces établissements pôles d’innovation en milieu rural. Quand vous identifiez au sein d’un collège une équipe qui marche, il faut se précipiter pour aller voir pourquoi ça marche, pourquoi ça dure. À ce moment-là nous pouvons très rapidement déterminer le point central, le pivot (souvent il s’agit d’une personne) et du coup les moyens que l’on peut mettre pour que ça se poursuive et que ça diffuse.
Mais lorsque ce pivot est une personne leader et que cette personne quitte l’établissement, on s’aperçoit que le projet s’arrête.
Identifier un porteur de projet c’est une chose, lui donner les moyens de développer son projet et de continuer à le mener en est une autre.
De même la diffusion, et c’est un grand mythe de beaucoup d’organisations, ne se fait pas par le haut ! Elle se fait généralement grâce à la confiance que se font les individus entre eux, en particulier dans les équipes pédagogiques des collèges qui sont des groupes sociaux particuliers.
Je souhaiterais revenir sur un article où vous soulignez l’erreur qui a été commise en voulant recentrer sur des fondamentaux et en mettant de côté le rôle que pouvait avoir les établissements en matière de politique culturelle[1].
Oui c’est une évolution que nous avons constatée. Si on regarde ce qu’il se passe en termes de pratiques culturelles, entre la fin des années 90 et la fin des années 2000, les pratiques culturelles en milieu scolaire se sont effondrées. Il y avait une dynamique culturelle dans de très nombreuses écoles rurales mais tout cela a été « cassé » par une sorte de dérive sécuritaire au sens propre comme au sens figuré. D’une part la demande toujours plus forte de parents qui souhaitent que l’école enseigne des mathématiques et du français et d’autre part la pression de l’institution qui se méfie de ce qui se passe à l’extérieur de l’école, le crédo étant que seuls les enseignants patentés ont le droit de parler à l’école. Et il y a bien évidemment le fait que la pression réglementaire et législative étant toujours plus forte, les conditions d’exercice des activités socio- culturelles sont devenues de plus en plus complexe à mettre en place. Les écoles qui allaient régulièrement au cinéma, au théâtre et au musée n’y vont plus du tout.
Tous les enseignants le disent et toutes les études y compris celles menées par l’inspection générale le montrent mais ça ne change rien.
Bien entendu on peut aussi se dire qu’aujourd’hui, avec les nombreux réseaux disponibles, on peut toujours visiter un musée de façon virtuelle c’est vrai et c’est mieux que de ne pas le faire du tout. Mais une visite culturelle sur un écran ne peut pas remplacer la dynamique collective et l’expérience sensorielle qui existent lors d’une sortie au musée, encadrées par des professionnels.
[1] Y. Alpe, existe-t-il un « déficit culturel » chez les élèves ruraux ?, Revue Française de Pédagogie, Juillet-septembre 2006, pp 75-88